A notre arrivée, en pleine nuit, Managua est désert et le taxi en profite pour brûler tous les feux rouges qu’il rencontre et nous arrivons vite à l’hôtel Intercontinental,qui est le seul endroit que nous avions réservé depuis la Belgique. Notre première nuit est bien courte et déjà nous devons nous mettre à la recherche d’un autre endroit où loger.Il est hors de question que nous restions dans cet hôtel qui est largement hors budget, heureusement que nos 2 chambres ont été « payées » par les miles collectés tout au long de mes 10 dernières années de voyage…
Via Airbnb , nous avons trouvé une chambre familiale, à prix raisonnable, chez Inti. Nous devons traverser la ville pour rejoindre la « casa Inti » et la situation est bien différente que cette nuit. Nous sommes le 19 juillet, jour de la commémoration de la révolution, et tout ce qui roule dans le pays, se retrouve au centre ville de Managua. Vélos, motos avec 2 ou 3 personnes, voitures chargées au maximum et surtout camions et bus débordant de toute part, s’enchevêtrent dans les rues de la capitale dans un concert de klaxons, sifflets et pétards.Tous les véhicules arborent fièrement les couleurs du front sandiniste de libération nationale (FSLN) et se dirigent vers la place de la Libération. Finalement, après trois quarts d’heure (pour 5 kilomètres!) nous arrivons dans le quartier calme et vert des ambassades et trouvons notre logement pour 2 jours.
Inti est parti à la commémoration peu avant notre arrivée mais nous sommes accueillis par la sympathique Belinda qui nous montre notre chambre.Les filles jouent un peu dans la piscine , moi je me fait dévorer par les moustiques et très rapidement, il se met à dracher, à pleuvoir à grosses gouttes pendant plusieurs heures: nous sommes à la saison des pluies au Nicaragua.La maison d’hôtes ne sert pas à manger en dehors des petits-déjeuners et il nous faut affronter les éléments, à pied, pour nous sustenter :il y a un carré de « foodtrucks » à 2/3 kilomètres de là mais ce n’est pas sûr que cela soit ouvert en ce jour spécial. Nous avons de la chance, il y a une échoppe ouverte, tenue par 3 soeurs palestiniennes: notre premier repas au Nicaragua n’est donc pas très local mais nous nous mangeons avec appétit (et entre les gouttes dégoulinant du plafond), les shawarmas et autres délicieuses spécialités « maison » (falafels,humus …) que nous apporte,trempée, l’une des trois soeurs. Nous attendons que la pluie se calme un peu et rentrons à la maison. Inti est déjà de retour, la pluie battante les a fait battre en retraite…Le maître des lieux est en fait Belge, par sa maman, et Nicaraguayen par son papa, ancien diplomate à Panama:il nous accueille en bon français, comme tout bon Gantois peut le faire et se montre très sympathique.
Le lendemain nous décidons de visiter le centre ville de Managua, en bus local, sans Lara qui ne se sent pas très bien et reste à la maison d’hôtes.Le climat chaud et l’architecture nous fait beaucoup penser au Brésil mais en beaucoup plus sale…est-ce dû aux festivités de la veille ?
Nous arrivons à destination après de nombreux tours dans les quartiers pauvres de la ville et nous nous dirigeons vers la place où, la veille, des centaines de milliers de Nicaraguayens se pressaient pour écouter les discours partisans du président, Daniel Ortega, et d’autres pontes du parti mais aussi pour boire, chanter à la gloire de la révolution et danser.Aujourd’hui la grande artère est déserte et quelques hommes s’affairent à démonter les tribunes.Nous nous baladons aux alentours, nos filles jouent dans un parc, nous passons devant l’imposant palais de la nation et la cathédrale, qui tombe presque en ruine. La pluie nous rattrape et nous nous abritons en face de la place principale en dessous d’un arbre, un vrai, pas un de ces arbres colorés en métal, appelés paradoxalement « arbres de la vie » et qui ont été « plantés » un peu partout dans la ville.
Malgré cette protection et nos vestes de pluie, nous sommes trempés jusqu’aux os et décidons de traverser les rivières qui se sont formées dans les rues pour nous rendre au port Salvador Allende, un centre dédié au tourisme, au bord du lac (invisible par ce temps!) avec bars, restaurants et boutiques. Nous sommes partis ce matin et il commence à faire faim !Dès que le temps se calme, nous rentrons retrouver Lara.
Managua ne nous attire pas beaucoup et nous décidons de nous rendre, en bus express (2h45), au nord du pays, à Estéli, où j’ai quelques adresses d’école pour apprendre l’espagnol.
Nous choisissons l’école Sacuanjoche plutôt que d’autres car elle nous semble plus authentique et les 2 professeurs qui la constituent, Norma et Alvaro, promeuvent la découverte de la région et de la communauté: nous serons logés dans une famille, à 3 pâtés de maison de l’école.
Il s’agit en quelque sorte d’un « all-in » éducatif et social:l’offre comprend 4 heures de cours intensifs par jour,les visites culturelles et touristiques dans la région, le logement chez l’habitant (2 chambres), tous les repas (plats typiques préparés par la maman et la grand-mère) et boissons (eau,café et jus). Le prix journalier est 50% plus élevé que notre budget quotidien mais cela les vaut (cette école est d’ailleurs moins chère que d’autres) : il est important que nous commencions notre voyage en Amérique latine en apprenant les bonnes bases en espagnol.Et puis cet argent sert directement à une famille locale.
Samedi 22 juillet, nous avons visité la réserve naturelle de Tisey, d’où le point de vue sur la chaine volcanique vaut le détour. A 1500m d’altitude, il fait bon, ensoleillé mais pas trop chaud et il y a une petite brise rafraichissante.Nous marchons un peu moins de 10 kilomètres, en chemin nous croisons des dizaines d’espèces de papillons, et de fleurs, de toute tailles et couleurs et finissons la journée par la découverte d’un lieu très particulier et poétique : le repère de Don Alberto Guttierez, un sculpteur de bientôt 78 ans. Il y a près de 40 ans, le jeune Alberto, trahi et meurtri par une histoire d’amour malheureuse, a sombré dans l’alcoolisme et pour s’en sortir, a décidé de tout quitter et vivre dans une finca, aux bords de la forêt de Tisey, loin de tout et de tous, comme un ermite , avec pour seule nourriture, les fruits et plantes qu’il cultive et comme principale occupation (obsession?), sculpter la montagne. Et le résultat est impressionnant! Quand on observe ce flan de montagne, il est difficile d’imaginer que toute cette surface sculptée est l’oeuvre d’un seul homme, autodidacte, peu éduqué (il a appris à lire et écrire pendant cette retraite) et muni seulement de 2 ciseaux et une masse (en fait une pierre) !La majestuosité du paysage ajoute certainement à la magie du lieu et il est étonnant que depuis sa découverte (en 2001), seulement 50.000 personnes aient visité la montagne de don Alberto. Le ressenti que l’on éprouve devant ces sculptures simples, au tracé enfantin, presque primitives est unique et très fort. C’est un peu comme si nous découvrions pour la première fois des peintures rupestres de plus de 10.000 ans, sauf que l’on peut discuter avec son unique auteur !
Don Alberto ne semble pas avoir changé malgré l’intérêt croissant de son œuvre, il reste désintéressé et l’entrée à ce musée vivant est libre mais chaque visiteur peut donner ce qu’il veut afin de l’aider à acheter les matériaux nécessaires à la construction de sa nouvelle maison, à quelques pas de la cabane qui lui sert d’abri depuis quelques dizaines d’années.
Dimanche après-midi, les filles ont appris quelques pas de danse folklorique nicaraguayenne avec Alvaro et Norma, en tenue traditionnelle…
Notre première semaine au Nicaragua, s’est terminée, toujours à Estéli, par la visite d’une fabrique de cigares, du moins de l’endroit où après récolte, on sélectionne, dénerve et humidifie les feuilles de tabac qui seront envoyées plus tard à un autre endroit pour les rouler. Nous ne sommes pas à Cuba mais nous pouvons tout de même imaginer ce qu’aurait été pareille visite sur l’île reine du cigare. Les techniques, le tabac et les propriétaires initiaux de ces tabaqueries (mot inventé) d’Estéli viennent de l’île communiste et le travail y est aussi dur pour ceux et surtout celles qui restent 12 heures par jour dans cet endroit sombre, sans aération (pour ne pas sécher les feuilles) et dont l’odeur piquante prend le nez et a gorge: quand on n’y est pas habitué, comme nous, il est impossible de tenir plus de vingt minutes.
Waouh! Merci pour ce partage. Quel plaisir de vous lire! Bisous à tous 🙂