Après 1 semaine « nature », nous arrivons à Léon le 12 août , en plein heure de midi, le soleil est très chaud, comme de coutume dans cette ville. Les odeurs émanant du marché sont peu accueillantes, nous nous hâtons de sortir de ce capharnaüm, en faisant attention de ne pas se faire trop avoir par les chauffeurs de taxi et finalement nous trouvons un accord avec un vélotaxi (en fait 2) pour nous amener dans le centre-ville, près de la cathédrale: nous devrions y trouver un logement pour la nuit. Pas si facile de trouver une chambre familiale, à prix raisonnable mais avec cette chaleur nous ne voulons pas parcourir trop longtemps le centre-ville avec nos sacs sur le dos et en plus nous avons faim ! Nous jetons donc notre dévolu pour 2 chambres pas trop chères et relativement propres dans un petit hôtel du quartier, sans charme particulier. Nous nous dépêchons de diner dans un petit restaurant populaire et bon marché (el méson segoviana), que nous a indiqué la réceptionniste de l’hôtel et qui deviendra notre cantine pour le reste de notre séjour dans cette ville. Repus, nous décidons de visiter l’église de la Recoleccion et la cathédrale toute proches. Cette dernière est la plus imposante des 16 églises de Léon et d’Amérique centrale.Elle a été construite au 17e siècle, sur des plans destinés à la la cathédrale de Lima au Pérou, puis reconstruite au 18e siècle après avoir été incendiée par le pirate William Dampier; elle est actuellement en plein ravalement de façade. La sainte patronne de cette cathédrale a également subi un « facelift » et c’est aujourd’hui, après une longue période de restauration, qu’elle retrouve son trône dans la cathédrale, appelée aussi Basilique de l’Assomption. Nous arrivons juste à la fin de la messe couronnant la sainte vierge, la cathédrale est en pleine allégresse et la madone est photographiée par tous les fidèles.
Nous terminons l’après-midi par la visite du musée d’entomologie, où nous passons presque plus de temps à parler du Nicaragua que d’insectes avec le responsable, Jean-Michel, un Belge originaire de Mouscron, à Léon depuis près de 30 ans, qui nous donne sa vision neutre de la vie dans son pays d’adoption.
Le lendemain, après le petit déjeuner nous changeons de logement pour une petite auberge (hostel El Albergue de Léon) que nous avons aperçue la veille:la chambre est spacieuse (et bon marché), le décor coloré et chaleureux , il y règne une ambiance sympa et multiculturelle. Nous y laissons nos sacs et pour fuir la chaleur, nous nous rendons à une vingtaine de km de la ville, à la plage de Las Peñitas, sur la côte pacifique que nous découvrons pour la première fois. Le temps est lourd, les vagues impressionnantes et les nuages s’amoncèlent mais cela ne nous empêche pas de nous baigner dans l’océan et de jouer dans les vagues qui nous rejettent sur la plage comme pour nous prévenir de ne pas rester trop longtemps…un orage se prépare, il pleut mais il est agréable de se baigner sous les gouttes. Le ciel gronde, nous nous réfugions sous un toit de feuilles de palmier, le tonnerre éclate précédé de quelques secondes par des éclairs qui lézardent le ciel devenu noir, la foudre tombe toute proche et nous nous sentons tout petits…
Autrefois capitale coloniale, Léon est la deuxième ville la plus importante du pays. Au 17e siècle, elle a été complètement détruite suite à l’éruption du volcan Momotombo puis reconstruite à quelques dizaines de kilomètres de là, à distance raisonnable de tout volcan actif…sauf qu’un volcan tout neuf, le Cerro negro, est sorti de terre en 1850, à quelques minutes de la ville. C’est un des plus jeunes volcans de la planète et un des plus actifs avec si je ne m’abuse, 11 éruptions depuis sa naissance. En 1947, l’activité de ce jeune volcan est importante, des nuages de cendre recouvrent Léon et menacent la ville. Le 14 août, veille de l’assomption, les habitants n’ont plus d’autres recours que de prier la sainte vierge pour leur accorder protection …et ils sont entendus, le volcan se calme et la ville est épargnée. Depuis 70 ans, à la même date, la ville commémore ce miracle, la même prière est répétée en grosse pompe, à 18h, en la Basilique de l’Assomption, toute la ville célèbre la miséricorde de la madone et crie sa ferveur. Les enfants dans les rues vont de porte en porte, pour y recevoir des friandises. La mairie offre des cadeaux à ses citoyens qui n’hésitent pas à attendre des heures dans la file pour recevoir leurs présents.Les géantes et le nain à grosse tête dansent dans les rues au son des fanfares. Et bien entendu, les pétards et feux d’artifices éclatent toute la nuit.Nous avons eu la chance d’être présents pour cette septantième « Griteria »…
Le jour d’après, nous décidons d’aller voir ce volcan d’un peu plus près, nous l’escaladons et au bout d’une petite heure, en plein soleil et éprouvés (enfin surtout moi), nous voilà arrivés à son sommet, à 726m d’altitude. Cerro Negro est calme, il dégage un peu de fumée sulfureuse mais tout est tranquille. Une vue panoramique à 360°, sur la plaine et les volcans voisins, s’offre à nous, la lumière en cette fin d’après-midi est chaude, le décor est somptueux et le moment est magique !
Le calme avant l’excitation et la montée d’adrénaline …
Si l’ascension du volcan était éprouvante pour moi, c’est qu’en plus de mon sac à dos et 6 litres d’eau, je transportais 3 planches en bois, des sortes de luge sur laquelle nous comptons descendre le volcan! Le « volcano boarding » est très prisé ici, c’est l’une des attractions touristiques et sportives les plus caractéristiques du Nicaragua et le Cerro Negro est l’un des seuls volcans au monde où on peut le pratiquer. En 2002, un français, Eric Barone l’a descendu en vélo (il y a d’ailleurs battu le record de vitesse en vélo, à 172km/h!) et peu après, les habitants du coin se sont demandés comment reproduire une expérience similaire, sans être un champion de vélo :après plusieurs tentatives, ils ont trouvé la « tabla », une simple planche en bois, avec une plaque métallique disposée en son dessous, à l’arrière et une corde, pour vaguement diriger cet engin. Il paraît qu’en saison sèche, lorsque la terre volcanique est plus fine, des courses ont lieu et les plus rapides peuvent descendre à 95km/heure !
Après une photo de groupe sur le sommet du volcan, tout le monde s’apprête pour la descente et enfile sa combinaison jaune, ses lunettes de protection et son foulard. Les guides nous donnent une brève mais salutaire (pas de blessé à l’arrivée…) séance d’explications sur la technique et la sécurité, puis tour à tour, chacun se lance , comme il peut, tantôt rapidement, tantôt plus doucement voire même à pied, lorsqu’au dernier moment, au sommet de ce toboggan naturel à 726m de haut, la peur l’emporte sur l’envie. Le soleil se couche sur les volcans et il est temps de rentrer, des images pleins les yeux et de la poussière noire de volcan plein le corps .
Le dernier jour à Léon, nous le passons à visiter les musées, notamment, la fondation Ortiz-Guardian, sise dans un ensemble de maisons coloniales impressionnant et présentant une collection d’œuvres centraméricaines assez intéressante.
Le 17 août nous partons pour la ville de Granada, rivale historique de Léon : au 19e siècle, Léon engagea un américain, William Walker, et ses flibustiers pour piller et mettre à sac la ville qui osait se comparer à la capitale coloniale. Paradoxalement suite à la destruction par le feu de toute la ville, Granada fut entièrement reconstruite et présente aujourd’hui un visage bien plus harmonieux que Léon: sans conteste, c’est la plus belle ville que nous ayons vu. Et la plus touristique aussi.
Les 2 villes sont incontournables, elles reflètent chacune à sa manière leur histoire et offrent une belle diversité d’activités récréatives et culturelles. En quelque sorte, elles perpétuent leur rivalité séculaire, cette fois dans le coeur des touristes et voyageurs.
Granada est plus propre, ses grandes bâtisses colorées au style andalou, ses larges rues, son parc central aux kiosques gourmands (il faut goûter les vigorones!) en font une ville aérée où il fait bon se promener et une destination touristique privilégiée. Et nous aussi, nous aimons y déambuler et nous laisser transporter dans cette ville un peu hors du temps, au pied du volcan Mombacho. Il faut se l’avouer, nous sommes autant touristes que les autres dans cette ville et faisons plusieurs excursions: tour de la ville en calèche, visite en bateaux des « isletas » sur le lac Nicaragua (enfin quelques uns de ces 365 îlots volcaniques, quasi tous propriétés privées de multi-millionaires ou politiciens nationaux mais aussi internationaux) ou journée « baignade » dans le lac Apoyo à l’eau transparente et un peu salée, formé dans le cratère d’un volcan.
Ici aussi, comme à Léon, nous sommes témoins d’une fête populaire, la Hipica, qui anime déjà la ville plusieurs jours avant sa célébration, le 20 août. Le jour même, tout le monde s’habille avec bottes et chapeau de vaquero/cowboy, la musique résonne plus fort à chaque coin de rue, les fanfares peinant à couvrir le son des enceintes saturées et ici, point de religiosité, la bière coule à flot – la Toña, la pils locale, est le sponsor principal de cet événement. Le départ est donné à l’entrée du stade et se termine au bord du lac. Depuis 2 ans, les cavaliers ne défilent plus dans le centre historique et le parc central mais le contourne.A 15h, le cortège entre dans la ville et jusqu’à 19h, défilent au pas et parfois dansant, des milliers de chevaux, nobles destriers ou simples bourrins, voire des mules, montés par leur fier propriétaire de tout âge et de toute classe sociale.
Nos filles, qui adorent les chevaux, sont subjuguées par tant de montures, de toutes tailles et couleurs et font des photos par centaines. Mais la bière faisant son oeuvre tant chez les cavaliers que chez les spectateurs, nous préférons rentrer à l’hôtel avec les filles avant la fin du cortège.
Le lendemain, nous visitons le musée du chocolat et celui du couvent San Francisco de Assis, où sont exposés des statuaires précolombiens ainsi que les oeuvres des peintres primitifs nicaraguayens.
A Granada, l’hôtel où nous logeons est propre et la chambre spacieuse, mais il y manque une âme. C’est un peu le sentiment général que nous partageons sur cette ville et ses gens, plus belle mais peut-être moins sincère ou plus superficielle que Léon.
Il est tout de même un endroit où la chaleur humaine et la générosité ne sont pas de vains mots à Granada, c’est la maison de Tio Antonio, un ancien chef coq de Barcelone, venu s’y installer il y a près de 15 ans. Et plutôt que d’investir dans un projet immobilier ou touristique, il s’occupe des plus démunis, intellectuellement ou physiquement. Son atelier de fabrique de hamacs est un refuge pour handicapés, sourds, aveugles ou enfants des rues qui y trouvent un travail, un moyen de s’éduquer et de vivre dignement. Au café des sourires, ce sont des sourds et muets qui nous servent notre petit-déjeuner et nous essayons tant bien que mal de passer nos commandes en langage des signes, seule langue universelle depuis le destruction de Babel…Tio Antonio s’engage à 200% dans son projet social, il y a même trouvé un fils, Sergio, qu’il a sorti de la rue et adopté. Ce grand jeune homme de 22 ans, à l’allure débonnaire, qui nous fait penser à l’un des jeunes frères de Lili, par sa démarche et son allure, a hérité de la générosité et du sens des responsabilités de son père et l’aide au quotidien dans cette entreprise caritative. Il nous a été de bon conseil, nous a aidé à trouver un hôtel et à nous débrouiller pour les activités touristiques, sans que nous ayons à passer par des tours organisés.
C’est au café das Sonrisas que nous sommes arrivés à Granada et c’est de là que nous repartons, cinq jours plus tard, pour Ometepé, l’île aux 2 volcans.