Nous arrivons à Somoto le 5 août, en « chicken bus » bien entendu. Au terminal de bus, à notre descente, nous sommes accostés par une homme, sec, aux yeux bienveillants et au sourire fermé, un peu « monalisien ». Son nom se lit sur son polo : Bayardo Soriano.
Il nous attend depuis fin de matinée, ne sachant pas quel bus nous avions pris d’Estéli mais nous arrivons vers 15h.Une heure plus tard nous sommes chez lui, dans sa ferme à Sonis, située à l’entrée du canyon, et nous montons notre tente dans le jardin à côté des 2 chambres qu’il loue.Le sol est rocailleux et il est difficile de planter nos sardines.En début de soirée, nous l’accompagnons pour ramener ses vaches et veaux à la ferme.Dona Susana, son épouse, nous a entretemps préparé notre repas du soir qui nous est servi par Vanessa, la benjamine de leur 4 filles, le repas, simple mais généreux, reflète fidèlement le caractère de nos hôtes.
Don Bayardo semble avoir hérité les qualités de son chevaleresque homonyme français et je le crois volontiers sans peur et sans reproche. Sa famille est unie, le couple est ensemble depuis 30 ans et leurs 4 enfants, ainsi que leurs petits-enfants vivent à leur côté, dans des maisons situées sur le même terrain ;leurs sourires et leurs yeux traduisent pudiquement un bonheur de vivre simple. Pendant une semaine nous vivons avec eux, nous nous sentons partie de leur famille et leur sollicitude est permanente : quand ce n’est pas Don Bayardo qui ne veut pas que nous dormions sous tente lors de la deuxième nuit, pluvieuse à torrent, c’est son épouse qui vient aux nouvelles de Lili, souffrant d’un lumbago la bloquant au lit toute la journée (durant laquelle, de toute façon il n’a fait que tomber des trombes d’eau) ou Claudia, la fille ainée, qui administre un remède local lorsque Nicky ne sent pas bien (rien de grave, juste quelques petits problèmes gastriques, habituels en voyage dans un endroit où notre corps n’a pas encore de réponse adéquate aux bactéries indigènes).
Dans cette ferme, nos filles sont aux anges entourées de poules, poussins, vaches, veaux, cochons,chat, chiens…quand elles arrivent à se réveiller suffisamment tôt, elles aident Don Bayardo à traire ses vaches.
Nous ne nous pressons pas pour visiter le canyon et profitons de la rivière proche pour nous y baigner, quand le temps le permet. Lundi, Don Bayardo nous a emmenés à 2 pas de la frontière hondurienne, à une douzaine de kilomètres de Sonis, pour chercher ses ânes et nous a guidé, par des chemins de muletier, vers une autre rivière, aux rives escarpées, où nous avons nagés pour nous rafraichir.L’orage nous a pris par surprise et nous avons dû rebrousser chemin, car le terrain était devenu trop boueux par endroit et trop glissant à d’autres. Nous nous sommes mis à l’abri chez une de ses tantes dont le café et le sourire nous ont permis de nous réchauffer.
Généralement, les touristes viennent à Somoto pour la journée, arrivant de Managua ou d’Estéli, le matin, pour s’en repartir vers 4 heures de l’après-midi. Le tout organisé par des agences de voyage de ces villes, offrant un all-in (transport, visite du canyon, repas) à 25$ par personne. Et ces agences travaillent presqu’exclusivement avec un guide local, plus malin ou plus avide que les autres, par ailleurs référencé auprès de guides de voyage internationaux (lonely planet, entre autres).
Don Bayardo ne l’envie pas et préfère continuer à travailler par recommandation et bouche-à-oreille. Il était déjà là à arpenter le canyon en 1998 avant même qu’il ne soit « découvert » par des tchèques en 2002/2003 puis décrété monument national et ouvert aux touristes (2006, je crois) . Les guides locaux, une petite quarantaine, se sont organisés en coopérative, divisée en 5 groupes, chacun accueillant les visiteurs à l’entrée du canyon un jour par semaine (le weekend, il y a du travail pour tous, généralement). Le revenu des visites faites par Don Bayardo est partagé avec les autres guides de son groupe, et réciproquement.
Nous avons bien évidemment fait le canyon avec Don Bayardo et sa fille Claudia, qui apprend également le métier de guide (il lui manque encore la licence). Les eaux n’étaient pas trop profondes malgré les pluies des derniers jours mais troublées par la boue charriée suite à ces pluies.
Cela n’a rien enlevé à la majesté du paysage ni à l’expérience inédite pour nous, de descendre la rivière à la nage (avec gilet de sauvetage) ou sur une bouée, nous laissant portés par les courants ou accrochés le long des parois tombant presqu’à pic dans l’eau turbulente. Nous descendons la rivière à notre aise et laissons passer d’autres groupes (nous n’avons pas de bus à prendre pour rentrer) , menés par des guides plus jeunes et plus inexpérimentés, n’hésitant pas à demander de l’aide à Don Bayardo pour traverser tel ou tel torrent. A mi-chemin, nous avons eu un instant de forte angoisse, lorsque Lara s’est décidée à sauter à la suite de ses soeurs et de Némo, d’un rocher à 6 ou 7 mètres de hauteur.S’étant déjà ravisée une première fois, elle prend son courage à deux mains, regarde la rivière en bas, s’élance puis en plein saut, paniquée, se retourne et tente de se rattraper aux bras de Don Bayardo, qui, manquant de tomber à son tour, ne peut retenir Lara qui chute, effleurant de la tête le rocher. Plouf ! Heureusement, elle est tombée droite, sans toucher quoique ce soit, les pieds en premier….Plus de peur que de mal et nous terminons la descente sans incident mais sous une fine pluie.
Le lendemain nous partons et c’est un déchirement pour tous, et toutes tombent en larmes.
En arrivant, nous pensions rester un jour, pour le canyon, et nous sommes finalement rester une semaine chez Don Bayardo. C’est pour des moments de vie comme ceux partagés avec lui et sa famille que nous voyageons et nous espérons que notre bonne étoile nous fera rencontrer d’autres belles personnes aussi sincères et généreuses.